Depuis l’année dernière, le tiers-lieu alimentaire Ma MarMeet permet aux personnes sans domicile hébergées à l’hôtel de pouvoir accéder à des cuisines fixes ou mobile dans l’agglomération nantaise. Pauline Le Bouëdec, chargée de projet, nous parle de ces lieux où l’on cuisine, mais où l’on vient aussi chercher de la chaleur humaine.
Dans quel contexte le tiers-lieu Ma MarMeet a-t-il été mis en place ?
Au moment de la crise sanitaire il a été constaté que le nombre de personnes sans domicile hébergées à l’hôtel avait augmenté (1500 personnes en Loire-Atlantique au 1er semestre 2021). Ce sont en priorité les ménages avec enfants qui ont été mis à l’abri, notamment via le 115. On a mis plus largement des hommes et des femmes seuls à l’hôtel. Une quarantaine d’hôtels du département hébergent des personnes à la rue. En parallèle, il a été constaté que l’accès à l’alimentation de ces personnes était complexe. En effet, dans la plupart des chambres d’hôtels, les personnes n’ont pas accès à des cuisines. C’est dans ce contexte qu’a été lancé au 1er semestre 2021 l’appel à projet (AAP) « création et développement de tiers-lieux favorisant l’accès à l’alimentation des personnes hébergées à l’hôtel », dans le cadre du plan France Relance. Le tiers-lieu alimentaire Ma MarMeet a été lauréat de cet AAP. C’est un groupement d’associations qui avait décidé d’y répondre collectivement. L’association Saint Benoît Labre 44 assure le portage principal et la coordination du projet avec cinq autres co-porteurs : le SIAO 44, Les Eaux Vives Emmaüs, L’Entraide du Diaconat Protestant, le Secours Catholique et Une Famille Un Toit 44. Deux autres partenaires, Cuisines Et Cetera et la Banque Alimentaire 44, les ont rejoints. Ce qui a permis de remporter l’AAP, c’est qu’il y avait à la base du projet ce tissu associatif important.
Comment entrez-vous en contact avec vos publics ?
Le SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation) 44 permet de rentrer en contact avec les personnes hébergées et Ma MarMeet va faire du porte à porte dans les hôtels où il n’y a pas de cuisine, afin de leur proposer de venir se faire à manger dans les différentes cuisines. Nous avons rencontré une dizaine d’hôtels, soit une bonne cinquantaine de personnes. Pour se faire connaitre, nous avons aussi des relais très importants : les lieux de distribution alimentaire, les accueils de jour, les espaces départementaux de solidarité, etc.
Comment fonctionne Ma MarMeet ? Pouvez-vous nous parler des cuisines fixes ?
Nous bénéficions de trois cuisines fixes, qui ont été lancées en premier. Elles sont plutôt dans le centre-ville, à proximité directe des hébergements. Deux ou trois personnes peuvent venir cuisiner, les enfants sont les bienvenus. Ce sont principalement des bénévoles, une dizaine, qui assurent l’accueil dans ces cuisines, en lien avec nos deux accompagnantes sociales. Avec la Banque Alimentaire 44, nous avons travaillé sur la façon dont on aborde l’alimentation et la précarité sur ces temps-là, quelle est la posture d’accueil dans une cuisine, quelle place peut avoir un bénévole. Il ne s’agit pas d’un cours de cuisine, les personnes sont autonomes et les bénévoles doivent l’avoir en tête. C’est aussi important d’apporter de la convivialité, on peut discuter autour d’un café.
Et la cuisine mobile, comment fonctionne-t-elle ?
Le camion a été livré en novembre 2021, il peut accueillir six personnes cuisinant en même temps. En janvier, nous avons démarré à l’hôtel le First Class, qui héberge uniquement un public à la rue, une soixantaine de personnes. On y est toutes les semaines, avec un créneau cuisine tous les jeudi après-midi. Depuis avril, Ma MarMeet Mobile est présente tous les lundi à l’unité locale de la Croix rouge et deux mardi matin par mois à la caserne Mellinet, un hébergement d’urgence géré par l’association Aurore.
Combien de personnes recevez-vous ? comment vos publics perçoivent-ils les cuisines ?
Les cuisines fixes ont ouvert en septembre 2021, il y a eu 105 créneaux cuisine ouverts entre septembre et février, avec 134 passages (une personne peut réaliser plusieurs passages). Une dizaine d’habitués viennent depuis plusieurs mois une à deux fois par semaine. Les retours sur les cuisines sont très positifs : ils sont ravis d’avoir un lieu où ils se sentent bien et en sécurité pour se faire à manger. En résumé, c’est beaucoup de joie, de convivialité, de chaleur humaine, de partage autour d’une recette, d’un repas.
Quelles sont vos prochaines étapes ?
Nous menons depuis plusieurs mois un travail de fond pour pouvoir stationner le camion à proximité de plusieurs lieux d’hébergement, au moins une fois par jour, du lundi au vendredi. Ainsi, à partir du 13 mai, le camion sera également présent tous les vendredi sur le dispositif Broussais (ancien Creps à Doulon, géré par l’ANEF Ferrer), pour permettre aux résidents de cuisiner. A côté de cela, on construit actuellement avec la Banque Alimentaire une nouvelle sensibilisation, plus tournée sur les habitudes alimentaires et la découverte de légumes méconnus.
D’après vous, quelles sont les clés pour pérenniser Ma MarMeet ?
La convention actuelle courre jusqu’à décembre 2022 et les financements vont jusqu’à juin 2023. Le besoin est là donc il y a un souhait de faire perdurer le projet. France Relance peut pérenniser ses financements, mais il faut aussi aller en chercher ailleurs. Un facteur important de la pérennisation du projet, ce sont les partenariats initiés entre les co-porteurs et de nombreux partenaires. L’enjeu, c’est de faire du lien entre toutes les associations.
Propos recueillis par Anne-Cécile Adam